Entrevue Nocturne [Saturn]

        J’étais une fois de plus sur ce satané bateau. Voyant mes parents mourir encore et encore, en boucle. Mon frère et ma sœur cadets sombrant dans les bras de l’océan bleu profond. Et Rhea, ma sœur, dont le visage déformé par la terreur, qui criait à en perdre la voix, sans discontinuer. Je hurlai que tout cela s’arrête, je n’en pouvais plus de revivre ces souvenirs, qui revenaient me hanter, alors que tout ceci appartenait désormais au passé.

     Comme à chaque fois que je faisais ce cauchemar, je me réveillai en sueur et regardai autour de moi. Voir mes partenaires suffisait à me détendre, généralement. Ils me permettaient de reprendre mes esprits à chaque fois que je perdais les pédales dans mon sommeil. Ah… Moi qui étais si solaire et jovial devant tout le monde, on ne pourrait pas croire qu’il m’arrivait parfois de craquer en plein milieu de la nuit en silence. Remarque, ce n’était pas plus mal ! Je n’avais aucunement envie qu’on me voie dans mes instants de faiblesse. Après tout, j’étais toujours celui qui remontait le moral aux plus démunis. J’avais un certain talent caché pour aider les autres, paraissait-il.

     Aaaaaah… je n’avais qu’une envie : prendre quelqu’un dans mes bras jusqu’à m’apaiser. Mais je n’allais pas m’incruster dans le lit d’un de mes partenaires, ça paraîtrait suspect. Quoique… Ce n’est pas l’envie qui me manquait. Je regardais notre charmant chef de Team, Karst, avec la soudaine envie de lui sauter dessus pour lui montrer toute mon amitié… Non, il allait péter un câble et dire que je mettais des poils partout. Je tenais un minimum à sa santé mentale. Puis en plein milieu de la nuit, ce n’était pas trop conseillé de réveiller tout le dortoir juste pour une pulsion affectueuse nocturne. D’autant plus que je n’oserais jamais justifier cette « attaque » en clamant avec mon éternelle franchise :

     « Bah, j’ai fait un cauchemar et j’avais besoin de calmer mes angoisses en vous montrant tout mon amour, DONC en vous réveillant comme la sale bête nocturne que je suis~ Bisous et bonne nuit, eheh~».

     Naaan, ça ne pouvait définitivement pas se passer comme ça… Je détournai ensuite mon regard brillant vers le lit de mon cher Sky. Comme beaucoup de nuits, il n’était malheureusement pas là. Discrètement, je vérifiai si son lit était encore chaud. Heureusement pour moi, il n’avait pas l’air d’être parti depuis longtemps. Vivement qu’il rentre… Ses escapades nocturnes avaient le don de m’inquiéter. Certes, il passait du bon temps avec de nouveaux partenaires régulièrement, mais je n’étais pas sûr qu’il fasse cela avec des personnes dignes de confiance…

     Je repris mes esprits et chassai mon inquiétude en me disant qu’il savait se défendre tout seul après tout, en cas de dérapage. Toujours est-il que j’avais terriblement besoin de parler à quelqu’un. Je soupirai et pris son oreiller dans mes bras pour flairer son odeur.  Elle m’apaisait. Et j’espérais que personne ne voit ce que j’étais en train de faire, car ça serait affreusement embarrassant. Déjà que j’avais tendance à l’être en permanence, autant ne pas passer encore plus pour un type louche. Je reposai à sa place l’oreiller de mon cher chaton. Puis, je décidai de prendre une grande inspiration avant d’ouvrir sans un bruit la fenêtre de la chambre pour m’envoler, comme je le faisais de temps en temps. Après tout, j’étais un Faunus nocturne. Quoi de plus naturel que d’aller prendre l’air sous la blanche clarté de la lune ?

     Le ciel était magnifique. Je volais très peu, habituellement, mais je ne pus m’empêcher de voler haut pour me rapprocher de la voûte étoilée. J’avais une vue des plus spectaculaires.
Au-dessus de ma tête, les astres brillaient de mille feux, et cela me rendait euphorique, et terriblement nostalgique. Ma famille et moi regardions souvent les étoiles, les nuits d’été. Mes parents connaissaient parfaitement le nom de toutes les constellations. Et le ciel m’avait toujours fasciné. Je ne pouvais cependant l’admirer que la nuit, mes yeux étant bien trop sensibles le jour. Une larme s’échappa. Rhea… Je me demande si tu regardes aussi le ciel en ce moment ? Ma sœur me manquait énormément. On s’écrivait d'ailleurs des lettres toutes les semaines. Quoi de plus normal pour des jumeaux ? Je redevenais nostalgique, ça n’allait plus du tout. Ressaisis-toi, Sat !!

     A mes pieds, se trouvait le toit de l’académie. Je considérais cet endroit comme ma seconde maison. J’y avais beaucoup de connaissances avec qui je m’entendais particulièrement bien, les cours y étaient passionnants, je m'amusais bien… J’étais extrêmement satisfait de ma vie actuelle, pour dire vrai.

     Je n’avais pas une vue excellente, mais je sentis comme une présence mélancolique sur ce toit que j’observais maintenant plus attentivement. J’avais le don de ressentir les émotions des autres à des kilomètres. J’approchai pour voir qui était cette âme torturée. En me rendant compte que cette personne n’était autre que mon cher félin, je décidai d’approcher, afin de ne pas trop le surprendre, vu l’état dans lequel il avait l’air d’être, la douceur n’était pas une option.

     J’atterris doucement à côté de Sky, et tenta une approche toute simple mais efficace :

     « Longue nuit, n’est-ce pas ? »